Restitution des œuvres d'art pillées : la RD Congo entre dans la danse
Difficile de rester en marge du débat sur la restitution des œuvres d’art aux pays colonisés. Le Canada, l’Allemagne ou plus récemment la France se sont engagés de manière précise sur la manière de réunir « les conditions d’un retour temporaire ou définitif » de ses œuvres. La Belgique est à son tour interrogée.
Un « dialogue adulte entre la Belgique et le gouvernement de Kinshasa »
Dans une pétition publiée dans la presse belge, et signée par plusieurs associations, universités, et des membres de la société civile congolaise, les initiateurs réclament la restitution à la République démocratique du Congo des objets d’art anciens congolais conservés au Musée royal de Tervuren rénové après 5 ans de travaux. « Plus de 90 % des œuvres d’art classique africain sont en dehors de l’Afrique », dénoncent les signataires. Pillées pendant la colonisation, elles se trouvent désormais au British Museum, au musée du Quai Branly, ou au musée de Tervuren [en périphérie de Bruxelles]. Les Africains du continent qui désirent montrer leur patrimoine à leurs enfants ne le peuvent pas. Tout ou presque a été dérobé. On ne saurait fonder le dialogue interculturel sur des pillages précédés par des meurtres coloniaux : les biens volés doivent être restitués », écrivent les pétitionnaires. Outre le Musée royal de Tervuren qui détient des objets, il y a aussi le musée africain de Namur ou encore le musée des Sciences naturelles de Belgique ainsi que l’Université libre de Bruxelles où sont stockés des crânes et des ossements de Congolais assassinés par décapitation ou suite à des tortures, parce qu’ils refusaient d’être colonisés.
Si aucune demande officielle par des autorités du pays n’a été faite, les auteurs de la pétition réclament, eux, un dialogue adulte entre la Belgique et le gouvernement de Kinshasa pour ce faire.
Le musée de Tervuren et les autres
Le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, situé dans la banlieue de Bruxelles, est considéré comme le dernier grand musée colonial en Europe, avec 120 000 objets concernant le cas congolais. Ils ont été collectés entre la fin du XIXe siècle et l’indépendance du Congo belge, en 1960. Parmi ces trésors figurent le Bâton d’Ishango sur lequel sont marqués les signes mathématiques datant d’il y a 9 000 ans, selon le professeur Dirk Huylebrouck, docteur en mathématiques, ou encore les archives historiques inestimables dont celles, complètes, de l’explorateur Henry Morton Stanley .
Comme pour la France et de nombreux pays occidentaux, ces musées sont des institutions fédérales, toutes les collections sont donc propriété de l’État. Pour les céder, il faudrait légiférer. C’est pourquoi le pays pourrait s’engager dans une politique de prêts à long terme entre musées ou encore la cogestion de collections ou l’organisation d’expositions itinérantes.
Un « paternalisme aux relents coloniaux »
Il y a bien eu une tentative dans les années 1970. Le président Mobutu avait alors réclamé à la Belgique la restitution à son pays de ces objets. Bruxelles avait alors rendu à l’Ex-Zaire, au total, 144 objets d’art anciens qui furent entreposés au Musée national congolais, en projet de construction, mais jamais achevé. Certaines de ces œuvres ont été dérobées après la chute du régime. Pour les auteurs de la pétition, cet argument relève d’un « paternalisme aux relents coloniaux. » « Est-ce vraiment aux pays qui ont brûlé et détruit des objets culturels pendant les guerres coloniales de donner des leçons sur la sécurité et le respect dû aux œuvres d’art en Afrique ? » s’interrogent les auteurs.
L’un des arguments pour s’opposer à la restitution de ces objets consiste à mettre en avant l’absence de musées disposant de moyens de conservation satisfaisants. Cela est sur le point de changer avec la construction par la Corée du Sud d’un tout nouveau musée national à Kinshasa qui sera fin prêt en décembre 2018.