Entretien | Patrimoine matériel : L’écrivain béninois Henri Hessou à propos du vol du masque de Dakodonou : « Le chemin de la corruption a été surtout emprunté »
Réalisation : Louis Tossavi
Henri Hessou est un acteur culturel et auteur de la Nouvelle « Le masque de Dakodonou » qui évoque la problématique de la préservation du patrimoine culturel. Considéré depuis toujours comme le 2e roi du Danxomè, actuel Bénin, Dakodounou a régné sur le trône 1620 et 1645. Ses symboles sont une jarre à indigo et un briquet, en référence à un accident qui a conduit Dako à se faire appeler Dakodonou. Pour rester coller à l’actualité relative à la restitution des biens culturels au Bénin par la France, cet ouvrage déjà publié en 1986 a été mis à jour. Il raconte un fait divers, le vol du masque reliquaire au musée d’Abomey. L’ancien inspecteur général du Ministère de la culture nous relate dans cette interview, les réelles motivations de cette nouvelle publication.
AWR : Pourquoi cette nouvelle publication ?
Henri Hessou : Il s’agit de coller à l’actualité. Il s’agit pour nous de montrer à la jeune génération que cet ouvrage publié en 1986 est encore d’actualité à la faveur du retour des biens culturels à leur pays d’origine. Ceci avec l’aide et le travail du gouvernement béninois et d’autres structures telles que des intellectuels, des rois et autres qui ont contribué à ce que les 26 premiers objets nous parviennent. Nous avons voulu contribuer à la relance du débat pour actualiser ce texte qui est en train d’être publié pour la 3e fois.
Quelle est la problématique culturelle que pose cette œuvre ?
Il s’agit dans cet ouvrage de monter un fait divers que vous appelez très sympathiquement et professionnellement ‘’Chien écrasé ‘’, en un fait réel du vol d’un masque reliquaire au musée d’Abomey vers les années 1976-1978. Je me suis inspiré de cette histoire pour pouvoir camper ma nouvelle sur le personnage d’un touriste habitué à venir dans les pays africains pour se promener et dérober des objets. Mais il ne partira pas dans la mesure où, avec la vigilance du gardien Goussigan qui était là et qui a tout fait pour faire découvrir la supercherie aux populations qui ont fini par faire un débat sur la problématique de nos biens culturels, la réalité et la richesse de nos biens culturels dans nos musées. Il a dû négocier à la fin avec le chef de brigade qui a laissé partir ce touriste contre une somme de 200.000 francs CFA.
Comment interprétez-vous le courage et la ténacité du gardien?
Ce courage de Goussigan tient du fait que nous n’avons pas que de mauvais grains dans les rangs de nos animateurs de musées. Il y en a qui ont encore de la sagesse, qui ont la conscience professionnelle qui n’ont pas voulu donner dans la disparition de nos objets d’art. C’est pour ça que jouant son rôle, il a eu à appréhender ce touriste qu’il a pu mettre avec l’aide de la foule, à la disposition de la brigade de gendarmerie sous le conseil de son conservateur.
Vous parlez dans cette histoire d’un fait de corruption? A quoi faites-vous allusion ?
Je me permets à travers cette nouvelle de montrer que le chemin de la corruption a été surtout emprunté par ces touristes et par nos cadres, nos agents, nos techniciens qui ont totalement décimé nos musées. Je l’ai fait exprès pour permettre au récit d’évoluer et d’atteindre mon objectif, en montrant que c’est important d’équilibrer les relations interculturelles.
Quelle approche de solution suggérez-vous pour résoudre la problématique?
Lorsqu’on parle des biens culturels, c’est une partie de nous-mêmes. Il s’agit de notre âme qu’on ne saurait laisser partir. Vous savez qu’un objet d’art coûte très cher. C’est pour ça que cet objet qui a été dérobé a été remis à sa place au musée pour montrer encore une fois que nous devons sauvegarder nos biens. Pour parler de façon concrète, lorsque j’étais inspecteur général du Ministère de la Culture, j’avais été missionné pour aller inspecter à Abomey les magasins des musées où il y a eu des incendies volontaires. Après toutes les enquêtes, on a montré qu’il ne s’agit pas que d’incendie, mais des gens ont volé des objets et ont voulu camoufler ces faits par ces incendies. Et ces individus ont été appréhendés et châtiés à travers notre rapport.
Pensez-vous que le reste des biens culturels sera restitué au Bénin ?
J’ai bon espoir. Le combat ne fait que commencer.