Entretien | Eduardo Cué à propos du coup d’Etat au Gabon : « Il y a une certaine logique dans ce qui s’est passé »
AWR
Eduardo Cué, journaliste-formateur basé à Paris en France était récemment à Cotonou au Bénin dans le cadre d’un séminaire de formation à l’intention d’une dizaine de professionnels des médias. Une initiative du département de formation de l’Ambassade des Etats-Unis près le Bénin. Elle a réuni des journalistes de divers médias (Presse écrite, presse en ligne, radio et télévision) et leur a permis de mettre à jour leurs connaissances. L’accent a été notamment mis sur la couverture du terrorisme, l’investigation, les fake-news, les sources, l’art de l’entretien, etc. Il a également été question durant cette formation de la sécurité des journalistes lors de la couverture de manifestations violentes. A l’issue du séminaire qui a duré du 28 au 31 Août, Africa World Radio a tendu son micro au formateur. Ce dernier apprécie le niveau des participants et s’est aussi prononcé sur le coup d’Etat militaire intervenu au Gabon le 30 Août dernier.
AWR : Quelle a été votre perception de la pratique du journalisme au Bénin à travers les productions proposées par les participants ?
Eduardo Cué : Je trouve que les journalistes sont très sérieux dans leur travail. Les journalistes africains travaillent dans des conditions qui sont souvent extrêmement difficiles. Ils ne sont pas bien payés, parfois pas du tout. Ce n’est pas facile pour eux et il faut leur rendre hommage. Les gouvernements en général et la société toute entière ne facilitent pas les choses. Mais ils sont dévoués à la profession. Ici en particulier, j’ai trouvé que c’était très sérieux. On a fait la critique de plusieurs de leurs productions. Certaines avaient des insuffisances et on a essayé de corriger, mais le travail était là.
Aviez-vous des attentes vis-à-vis de ces derniers qui n’ont pas été comblées ?
Pas du tout. C’est peut-être eux qui attendaient des choses de moi qu’ils n’ont pas eu. Le séminaire a été assez particulier et s’est déroulé dans une période plus ou moins dramatique en Afrique avec les coups d’Etat au Gabon quelques semaines après le coup de force au Niger. Il y a une espèce d’effervescence en Afrique. C’est un moment peut-être historique. Je pense que ça a donné une autre dimension au séminaire. Ça a souligné aussi l’importance du journalisme dans la vie d’un pays, dans une démocratie pour l’établissement, le maintien de la paix. Je ne m’attendais pas à cela et je pense que tout le monde a mis du sien. On s’est rendu compte de l’importance d’un journalisme responsable et indépendant dans un pays démocratique au 21e siècle.
Parlant du Gabon, quel est votre regard sur cette actualité ?
J’ai été au Gabon un certain nombre de fois, mais pas depuis quelques années. Ce que je vois dans ce coup d’Etat, c’est que finalement, les peuples africains en ont marre des présidents qui restent au pouvoir pendant des décennies. Ce n’est pas pour défendre un coup d’Etat. Mais la réélection de Ali Bongo a été faite dans des circonstances pas tout à fait claires. Ils n’ont pas voulu d’observateurs internationaux par exemple. Donc à un moment donné, on s’est dit que les choses ne peuvent pas rester dans cet état éternellement. Encore une fois, ce n’est pas pour inciter des militaires à faire de coup d’Etat. Mais cette élection est contestée. La famille Bongo est au pouvoir depuis plus de 50 ans et je pense qu’il y a une certaine logique dans ce qui s’est passé. Ce qui n’est pas le cas au Niger.
Votre appréciation globale de l’organisation de ce séminaire !
C’est une bonne initiative, on ne voit pas le résultat tout de suite, mais c’est comme ça qu’on construit quelque chose de solide en formant les journalistes. Cela crée beaucoup de bonnes volontés.