Bénin/Théâtre : « Incinérés », le parcours des biens culturels pillés raconté à travers une pièce
Par Martial Olou
Dans le cadre de la restitution et l’exposition des 26 trésors royaux du Bénin, la pièce de théâtre intitulée « Incinérés » a été commandée. Sa représentation s’est récemment déroulée à l’institut français de Cotonou. L’œuvre qui raconte le parcours de ces biens qui sont revenus au bercail est signée de Jérôme Tossavi et mise en scène par Alougbine Dine. Lors de cette démonstration de plus de 60 minutes, les membres de la troupe permanente de l’atelier Nomade de l’Ecole Internationale de Théâtre du Bénin (Eitb) ont révélé au public leur génie créateur dans une représentation alliant musique, danse, chant, percussion et parole en Français comme en langue locale Fon.
Dans un décor atypique avec quelques fois des jeux de lumière, des acteurs masqués vêtus de noir, symbolisant les esprits des 26 œuvres ramenées de la France, communiquent dans un langage incompris avec leurs bourreaux (les colons). Des esprits qui se sont rendus compte qu’ils étaient hors de leur environnement habituel et ont dû s’agiter pour se libérer.
Une incinération perçue du point de vue de la renaissance
A la question de savoir pourquoi « Incinérés », Jérôme Tossavi explique: « Je suis dans le symbolisme. Il ne s’agit pas véritablement d’une incinération physique, mais d’une incinération perçue du point de vue de la renaissance. Parce que je conçois que les feux redonnent une nouvelle vie aux choses. Donc j’ai agi dans cette sphère symbolique des choses ; incinéré pour renaître ».
Le bibliothécaire de l’institut français a saisi cette occasion pour témoigner sa gratitude à l’ambassadeur de France au Bénin qui lui a commandé le texte. « Il m’a permis de me ressourcer, de retourner à la case de départ, de questionner tous ces objets, d’imaginer le récit que vous venez de voir », confie Jérôme Tossavi qui avoue avoir eu la chance que son texte ait rencontré un personnage comme Alougbine Dine. « Vous avez vu la dimension du spectacle, la performance musique, chant, danse, percutions ; ça dépasse vraiment mes visions », a-t-il reconnu.
Alougbine Dine a pour sa part attribué le succès de cette représentation aux acteurs sur scène. « Que ce soit le texte, la danse, à la chanson, la musique, c’est ceux qui exécutent qui portent le fardeau. Le mérite n’est pas à moi, le mérite est à tous ceux-là. Je n’ai fait que diriger, c’est eux qui ont fait. Moi je n’ai fait que fédérer les arts, les imaginations pour en faire quelque chose de plus grand. C’est la conjugaison de beaucoup d’efforts de plusieurs individus qui a donné ce résultat », a-t-il fait savoir. Et ceci poursuit-il, exactement comme la conjugaison des efforts de plus d’un siècle, de plusieurs années de combat qui ont amené le Bénin à ramener ces 26 œuvres. Pour Alougbine Dine, c’est le même combat, puisqu’à la base de l’autre combat, il y a la créativité qui représente le génie du peuple béninois.
Aux dires du metteur en scène, les liens sont forts avec ce qui se passe actuellement à la présidence de la République du Bénin. « Lorsque j’ai rencontré cette pièce, je me suis dit qu’il faut en faire aussi un sujet de joie et de bonheur, de succès par rapport à nos ambitions, à ce que nous voulons pour notre peuple », a indiqué l’ancien directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) qui retient de ce spectacle un message de victoire et d’espoir.