En Afrique, des voix s’élèvent de plus en plus depuis quelques temps pour exiger la réparation et le retour à la source des africains déportés pendant la période de l’esclavage et du commerce transatlantique. Le récent sommet de l’UA au Ghana en avait fait échos, et à sa suite ce sont des chercheurs et universitaires réunis à Cotonou au Bénin le 4 Août dernier, qui ont animé une conférence sur le sujet, au Centre International Africain de l’Art et de la Création.
« Comprendre les réparations et le droit au retour des descendants déportés et mis en esclavage », était la thématique autour des discussions le 04 Août dernier. Plusieurs communications ont été animées par des chercheurs et des enseignants venus pour la plupart de l’Université d’Abomey-Calavi.
Il s’agit notamment de Mathieu Lokonon Houndadjo, juriste, criminologue et spécialiste des réparations des préjudices du crime de l’esclavage transatlantique. Il est l’auteur de l’ouvrage « L’impunité de l’esclavage transatlantique ». Dans son exposé, ce dernier a expliqué que les préjudices du crime de l’esclavage transatlantique sont juridiquement réparables indépendamment de toute reconnaissance et doivent l’être nécessairement et urgemment avec le paiement des dommages et intérêts punitifs.
D’après lui, l’esclavage n’est pas un fait social aussi universel à naturellement excuser au plaisir des universitaires qui ignorent sa particularité, en ce sens qu’il doit uniquement sa naissance au racisme anti noir. D’ailleurs informe-t-il, la plupart des voix qui s’élèvent actuellement et réclament réparation, ne le font pas par esprit de vengeance, contre le passé criminel, mais contre le silence condamnable et raciste de la communauté internationale. Pour Akhsamiya, descendante d’Africains déportés et présidente de l’association Médiation Internationale pour les Réparations (MIR-Bénin) qui s’est associée aux universitaires, ils veulent aussi saisir l’occasion pour plaider auprès des autorités compétentes, pour le retour des afro descendants surtout une proposition de loi à cet effet.
On ne saurait oublier le crime de l’esclavage
Barnabé Georges Gbago, agrégé de la faculté de droit de l’Université d’Abomey-Calavi et avocat au barreau de Cotonou, a insisté sur l’imprescriptibilité de l’esclavage qui selon lui est un crime contre l’humanité. « Pour nous, il n’est pas question de prescriptibilité, il est question d’imprescriptibilité, on ne peut pas oublier cela. Quelle que soit la qualification, les excuses, les sanctions, toutes les lois reconnaissent l’imprescriptibilité de ce crime contre l’humanité », s’est-il indigné. L’enseignant pense que la réparation à minima des Africains serait d’accorder les conditions favorables au retour des descendants des déportés.
Pour sa part, Dieudonné Gnammankou, historien, enseignant-chercheur à l’université d’Abomey-Calavi, est revenu sur les conséquences des erreurs d’analyse sur la traite des esclaves. En effet, à ses dires, une conscience historique collective habituée par le transfert de culpabilité fait que la majorité des victimes pensent qu’elles sont coupables ou responsables du crime.
Mais en vérité, les Européens avaient adopté une stratégie pour mettre la pression sur les peuples africains. L’historien a dans les détails, cité quelques-uns des moyens de pression tels que la recherche d’alliés africains, des offres de protection militaire contre les razzias financés et armés par d’autres nations européennes concurrentes, des propositions de bâtir des forts, des démonstrations de richesse et de puissance militaire de leurs nations, des cadeaux de luxe offerts ou échangés entre cours européennes et africaines, des princes otages envoyés en Europe ou dans les îles voisines, etc.
Il pense d’ailleurs que le retour en Afrique des descendants d’Africains déportés et mis en esclavage constitue un droit à reconnaître et à protéger, aussi bien au niveau national et international.
Le linguiste Ephrem Houalakouè estime qu’on ne peut pas envisager une réparation sans penser aux dialectes et à la culture de ces Africains maltraités. « La seule consolation des Africains déportés, c’était le facteur culturel. Ils ont une origine, des ancêtres qu’ils vénéraient dans les plantations. Ils sont partis avec la culture africaine qu’ils ont développée, que beaucoup continuent de développer ailleurs. Les langues constituaient les éléments de réduction de peine », a-t-il fait savoir.
Il termine son propos en disant qu’il y a des réalités qu’on ne peut pas évoquer en français et être fidèle, être en communion avec les ancêtres.