Bénin/Entretien avec Marion Hamard, directrice de ‘’Le Centre’’ : « …Sa création est avant tout une histoire de rencontres »
Par Martial Olou
« Le Centre » situé à Abomey-Calavi dans la banlieue de Cotonou, est l’un des espaces artistiques et culturels les plus fréquentés ces dernières années au Bénin. Africa World Radio est allée à la rencontre de sa responsable, Marion Hamard qui revient ici sur les origines, les activités, ainsi que les composantes de ce lieu de divertissement et de découvertes. Une occasion pour dresser le bilan du chemin parcouru en 7 années d’existence et aborder les défis à relever.
Africa World Radio : Présentez ‘’Le Centre’’ à nos lecteurs
Marion Hamard : « Le Centre » est un espace hybride, un centre d’art, un espace muséal avec le petit musée de la récade, et un lieu de vie. Nous travaillons essentiellement dans les arts contemporains à travers différents types d’activités, telles que les expositions, les résidences, les représentations de pièces de théâtre, de danse. Nous avons un engagement particulier pour nos publics et plus précisément pour nos enfants qui constituent un public de prédilection.
D’où est partie l’idée de la création de cet espace ?
La création du Centre est avant tout une histoire de rencontres et de relations entre différentes entités, différentes associations et différentes personnalités, dont Robert Vallois qui est la figure tutélaire du collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Ils ont fait don de toutes les œuvres du Petit musée de la récade et financent l’intégralité du fonctionnement du Centre. La rencontre avec le plasticien béninois Dominique Zinkpè a donné la touche d’art contemporain qui fait la spécificité de notre maison.
L’une des composantes du Centre, c’est le petit musée de la récade. Peut-on avoir une idée sur le nombre d’œuvres qui s’y trouvent ?
Nous avons 98 pièces traditionnelles. Il n’y a pas que des récades, mais essentiellement. Nous avons également des récades contemporaines qui ont été réalisées par des artistes du monde entier pour créer un dialogue avec nos traditions. C’est extrêmement important parce que le musée en lui-même, tant dans son architecture que dans les pièces qu’il présente, incarne et représente aussi bien la dynamique du Centre en général.
Bientôt 7 ans que le Centre a ouvert ses portes. Quel bilan peut-on faire du chemin parcouru ?
Le bilan est complexe et il serait difficile de le décliner en quelques minutes. Mais en 7 ans, nous avons véritablement réussi : à mieux définir quels étaient notre identité et nos objectifs ; à toucher un plus large public ; à diversifier nos actions et à prendre position sur certains axes et/ou certains médiums artistiques comme l’art contemporain. L’un des points qui nous semblent assez importants, c’est notre relation qui ne cesse de se développer, de se complexifier avec la communauté pour avoir de plus en plus d’évènements inclusifs avec les enfants, les familles et les différentes institutions qui nous entourent.
Avez-vous une idée sur le nombre d’artistes qui ont contribué à développer les activités du Centre depuis sa création ?
Au niveau du programme de résidence, c’est plus de 70 artistes du monde entier. Si nous incluons tous les danseurs, comédiens et autres qui sont passés dans cette maison, nous sommes bien au-delà de 300 artistes. Nous avons des relations privilégiées avec une cinquantaine à travers plusieurs collaborations et/ou des projets sur le moyen ou le long terme.
A combien estimez-vous le nombre de visiteurs que vous enregistrez au Centre en un mois ?
C’est relativement compliqué de donner des chiffres précis. Je peux donner des fourchettes, notamment les fréquentations du petit musée de la récade et/ou de la bibliothèque. Mais étant donné que nous tenons à ce que nos portes soient ouvertes et que les gens viennent comme ils le souhaitent, nous pouvons estimer le nombre de visiteurs par mois entre 500 et 1000. Toutefois, à l’heure actuelle, cette réponse est un peu biaisée avec la Covid qui depuis 2 ans a complètement généré une baisse significative de nos fréquentations. Peut-être que dans 6 mois si tout reprend, nous pourront mieux évaluer les choses parce que la réalité d’aujourd’hui en pleine Covid et celle d’il y a 2 ans, n’est plus la même.
Quels sont les défis que Le Centre entend relever pour les prochaines années ?
Actuellement, nous sommes dans une phase de transition. Nous sommes dans un processus d’autonomisation. Nous avons eu des mécènes qui ont construit l’infrastructure, qui ont mis en place une équipe, qui ont plus que porté ce projet à bout de bras pendant des années.
Aujourd’hui plusieurs questions s’imposent à nous. Comment penser un modèle économique en adéquation avec nos réalités ? Comment l’on s’approprie le Centre ? Comment l’on met en place des méthodes collaboratives avec les structures, les artistes pour penser à un modèle viable et relativement autonome ? Le challenge, c’est de passer ce cap. C’est une étape vraiment importante qui nous demande beaucoup d’engagements, de réflexions et de tâtonnements. C’est aussi une période d’expérimentation pour nous. Nous devons chercher et trouver des solutions pour parvenir à atteindre cet objectif. L’engagement et la patience sont nos meilleurs alliés.
N’avez-vous pas d’accompagnements au plan local ?
Nous avons beaucoup d’accompagnements du point de vue humain et nous avons la chance d’être entouré par beaucoup de structures partenaires avec lesquelles nous travaillons régulièrement. Il y a également beaucoup d’artistes qui nous soutiennent. C’est un soutien qui n’est pas financier mais qui est essentiel. Sur le plan financier, à l’heure actuelle, nous sommes très reconnaissants envers nos mécènes pour le soutien indéfectible dont ils font preuve à notre égard.
Qu’est-ce que vous auriez souhaité avoir comme soutien de la part des autorités ?
Nous espérons fortement trouver du soutien au plan local. Il n’y a pas que le gouvernement. Il y a d’autres entités qui peuvent aussi accompagner les structures artistiques et culturelles. La culture est annoncée comme une priorité dans le Programme d’action du gouvernement. Et, il y a eu un acte très fort ces dernières semaines avec le retour des trésors royaux qui entre profondément en ligne de mire avec les actions que l’on mène depuis des années. Nous avons espoir que nos énergies se rencontrent pour qu’ensemble nous pussions avancer pour le rayonnement de la culture béninoise à l’échelle nationale et internationale.
A cause du contexte sanitaire, la biennale ‘’les échos de Lobozounkpa’’ n’a pas eu lieu. Qu’en sera-t-il pour 2022 ?
En réalité, nous avons fait le choix de ne pas faire un festival si nous n’avons pas les moyens de faire mieux. Nous avons souhaité patienter afin de se concentrer sur des projets de fond. Nous espérons revenir cette année pour une nouvelle édition. Nous y travaillons activement. Nous trouverons les moyens qu’il faut pour être à la hauteur des précédentes éditions.