Crise au Niger : En dépit de la pression et des critiques, la CEDEAO veut passer à l’offensive
Louis Tossavi
Après des tentatives de médiation, les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest ont visiblement échoué à faire entendre raisons aux putschistes nigériens au pouvoir depuis bientôt trois semaines. Et la seule alternative qui s’offre à eux, du moins face à l’entêtement des militaires, c’est l’usage de la force. Sur la question, certains ont une position tranchée.
La conférence des Chefs d’Etat de la Communauté Economique d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est encore réunie en sommet extraordinaire, le 10 Août dernier à Abuja pour se pencher sur le cas Niger. Et ceci après l’expiration de l’ultimatum donné à la junte militaire au pouvoir depuis le coup de force du 26 juillet dernier. A l’issue de la session, les dirigeants de la communauté ont décidé d’activer la force d’intervention militaire en attente pour faire entendre raison au Général Abdourahamane Tiani et ses éléments. Seulement que cette option ne fait pas l’unanimité entre les dirigeants de la sous-région. Si des pays comme le Nigéria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont prêts à déployer leurs troupes pour le combat, le Togo s’oppose à toute intervention militaire au Niger et privilégie la voie du dialogue. « Cette décision qui vient d’être prise n’est pas une décision du Nigéria, c’est une décision de la CEDEAO. Si les militaires nigériens acceptent de dialoguer pour prendre en compte nos exigences, il y aura la paix. Mais s’ils refusent, cela nous ne l’accepterons pas. S’ils veulent la paix, qu’ils libèrent le président Bazoum, qu’ils rendent le pouvoir pour un retour à l’ordre constitutionnel », déclare le président sénégalais Macky Sall. Ce dernier précise que ce n’est pas une guerre entre la CEDEAO et le peuple nigérien, mais une lutte contre le coup d’Etat.
Les armes ne doivent pas être un moyen de décision
Dans le bloc sous régional, d’autres pays tels que le Ghana et le Bénin ont une position stratégique, même si Patrice Talon semble être d’accord avec l’usage de la force pour retourner le pouvoir au président nigérien déchu. Aux dires de l’actuel locataire de la Marina, la motivation essentielle des organes de la CEDEAO, notamment de la Conférence des Chefs d’Etat, c’est de protéger les droits de l’homme, la démocratie, la bonne gouvernance pour l’intérêt, pour le développement des pays. « Pour le moment, la seule voix par laquelle les peuples s’expriment pour faire le choix de leurs gouvernants, c’est la démocratie, le vote. On n’a pas encore imaginé, inventé un autre moyen d’entendre le peuple. C’est pour ça que la CEDEAO s’est donnée comme objectif, de protéger le seul moyen par lequel les peuples s’expriment. Si les processus démocratiques ne sont pas encore parfaits, il faut travailler à les améliorer. Mais on ne peut pas permettre qu’un autre moyen, les armes par exemple soient un moyen de décision, de choix des gouvernants », a fait savoir Patrice Talon.
Le chef d’Etat béninois insiste sur le fait qu’en aucune manière, l’institution communautaire n’acceptera que les coups d’Etat deviennent le moyen essentiel, unique par lequel les gouvernants des peuples doivent être désignés. « Si nous laissons faire, notre sous-région va être désintégrée, le Niger sera désintégré. Il faut que les divers organes qui gèrent le Niger s’entendent. Le temps où les armes, la force règlent les conflits est révolu », poursuit le chef d’Etat béninois.
Au Bénin, beaucoup attendent de voir comment, dans quelles conditions et avec quel effectif le pays participera à une intervention militaire au Niger voisin. Surtout dans un contexte de lutte contre le djihadisme. Certains analystes pensent que le Bénin ferait mieux de se concentrer sur la lutte contre la menace terroriste que de déclarer la guerre au Niger, en laissant la porte ouverte aux ennemis sur son propre territoire.