La récade est un sceptre royal typique au Royaume de Danxomè, un bâton de commandement qui représente l’autorité royale et permet aussi de porter un message.
Jadis au Bénin, à l’occasion des grandes manifestations, les responsables de groupes esquissaient des pas de danse tout en tenant à leurs épaules un bâton. Celui-ci leur permet de maintenir leur équilibre quand ils marchent et de ponctuer les moments forts des rythmes sur lesquels ils performent.
Il s’agit de la récade, ‘’Mankpo’’ en langue fon, un spectre royal typique au royaume de Danxomè qui peut facilement se distinguer des autres cannes (Kpoguè). Parmi les récades qu’on retrouve au Bénin, on peut citer la massue (Kpota). Sa fonction première est d’abattre un animal à la chasse ou un prince dont le sang ne doit pas couler. Et de toutes les cannes au Danxomè d’alors, la plus célèbre est le ‘’Aligokpo’’.
Aussi, est-il important de préciser qu’au Bénin, ce n’est pas que chez les princes ou rois de trône qu’on retrouve les récades. Les hauts dignitaires du culte vodoun dans plusieurs localités du pays tiennent souvent des récades, symbole de leur pouvoir.
Au-delà de ces considérations liées au sacré, la récade est aussi et avant tout un messager. Et comme le souligne un adage populaire par ici, « qui a vu la récade d’un roi, a vu le roi lui-même ». En effet, celui qui prend par exemple la récade du roi, détient dès instant les pouvoirs de ce dernier. Le roi empêché peut également se faire représenter par l’un de ses sujets qui avec sa bénédiction, peut tenir sa récade et recevoir les mêmes honneurs que le souverain.
La particularité de la récade se trouve dans les liens qu’elle a tissé avec l’histoire au royaume de Danxomè qui lui a fait porter son vrai nom, ‘’Mankpo’’, c’est-à-dire « le bâton de la rage ». Le ‘’Mankpo’’ est hautement sacré au Danxomè et pour l’avoir, il faut obligatoirement l’autorisation de l’autorité royale. Mais de nos jours, la récade a perdu de son caractère sacré au point de devenir un simple objet de luxe. Néanmoins, des initiatives privées permettent à ces objets de conserver voire retrouver leur valeur d’autrefois.
Redonner vie aux récades
Pour redonner vie aux récades des anciens rois de Danxomè qui se retrouvent dans des musées en occident, Dominique Zinkpè, célèbre artiste sculpteur béninois et des collectionneurs passionnés réunis au sein du collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés toujours en France, ont œuvré pour que ces vestiges retournent à la source pour être conservées. Le petit musée de la récade fut ainsi créé.
On retrouve dans la collection de ce musée qui reçoit depuis plusieurs années des visiteurs nationaux et étrangers, 120 récades authentiques d’anciens rois du Danxomè. Selon Dominique Zinkpè, ces objets ont été achetés, collectionnés au cours de certaines expositions en Europe par de bonnes volontés. « C’est l’envie d’un collectionneur qui a essayé de retrouver que des récades. Il les acheté à l’occasion de certaines ventes aux enchères. Dès qu’il apprend qu’une récade va être vendue, il se pointe et le plus offrant l’achète. C’est comme ça qu’il a réussi à en acheter beaucoup. Ses amis collectionneurs lui ont fait dons de récades qu’ils ont cachées », explique le plasticien béninois pour dire comment ces récades ont été collectionnées et convoyées vers le Bénin.
A l’ouverture du petit musée de la récade, sa collection était constituée de 37 récades anciennes et authentiques des rois du royaume de Danxomè, 6 objets royaux et de culte fon. Et pour montrer la créativité des artistes, 18 récades contemporaines ont été réalisées par des artistes venus en résidence.
Du manche de houe à l’instrument de parade
Comment en est-on venu à dénommer la récade « mankpo » ? Les sources orales d’Abomey consignées dans l’ouvrage de Alexandre Adandé (1962) affirment que lors d’une échauffourée avec des ennemis, les « Houégbadjavi » ou « Agassouvi » surpris aux champs, durent combattre leurs ennemis en utilisant des manches de houe. Pour célébrer leur victoire et faire connaître leur bravoure à d’autres rivaux, ils transformèrent l’instrument de la bataille en un objet de parade qu’ils prirent l’habitude d’accrocher à l’épaule. Au fil du temps, l’objet subira de nombreuses transformations au point de ne plus évoquer que de façon lointaine l’instrument aratoire qui lui a donné naissance. Aux dires d’un gardien de la tradition qui a requis l’anonymat, une récade est une synthèse de l’humain et de l’animal : elle a une tête, des yeux, une bouche, une gorge mais aussi une crinière.
C’est un attribut qui convient bien aux « Agassouvi » dont l’ancêtre est la panthère. Alexandre Adandé (1962 : 14) qui n’ignore pas le récit de la transformation du manche de houe en objet de parade pense qu’il est possible que la récade provienne aussi de l’arme de guerre utilisée sous le règne de Houégbadja (1645-1685), « un bâton légèrement recourbé, à l’une de ses extrémités enflée et garnie d’un anneau de fer ».