Bénin : Exposition diptyque autour des 26 œuvres culturelles: Toile tissée entre trésors royaux et art contemporain

Après leur retour au bercail il y a quelques mois et leur acclimatation, les biens culturels du Bénin, alors royaume de Danxomè pillés pendant la période coloniale sont exposés au public depuis ce 20 février 2022. L’exposition a été inaugurée la veille par le Président Patrice Talon de retour de Bruxelles, où il a pris part aux travaux du 6^e somment Union Africaine-Union Européenne.

« Art du Bénin d’hier à aujourd’hui, de la restitution à la révélation : trésors royaux et art contemporain du Bénin », c’est le thème de l’exposition diptyque qui a démarré officiellement le 19 février 2022 à Cotonou au Bénin. L’ouverture de cette galerie toute particulière a été présidée par le chef de l’Etat Patrice Talon au palais présidentiel.

Au cours de cette exposition qui va s’achever le 22 mai 2022, les 26 trésors royaux restitués par la France en novembre dernier au terme d’un processus long de plusieurs années, seront mis en avant et exposés au grand public. Elle est subdivisée en des séquences telles que: récurrence, la transition, transgression, variations, etc.

Les thématiques abordées dans cette dernière séquence citée touchent au sacré, au divin, à l’histoire, au patrimoine immatériel. Des artistes plasticiens apparaissent ici comme les guides et les gardiens qui possèdent les clés permettant l’accès à un monde de figures mythologiques, de signes initiatiques, de symboles poétiques où foisonnent dieux, déesses, rois et reines issus de temps immémoriaux. La transition offre une sélection d’œuvres qui explorent dans un aller-retour entre passé et présent, les figures historiques, les esprits et les ancêtres qui jalonnent les mémoires et nourrissent les imaginaires. Ici, les artistes rendent corps et donnent vie aux mythes et légendes en leur accordant une matérialité et en les inscrivant dans l’histoire.

L’exposition diptyque est un double événement, parce qu’elle met de façon simultanée un coup de projecteur sur l’art plastique du Bénin, les trésors ramenés du musée du Quai Branly Jacques Chirac à Paris, la scène artistique contemporaine du Bénin et de sa diaspora.

Dans une approche diachronique en effet, le gouvernement du Bénin a trouvé nécessaire de saisir l’opportunité de cette exposition pour présenter au public national et international, cent-deux (102) créations de trente-quatre (34) talents de la scène artistique et plastique béninoise. Il s’agit entre autres de Ludovic Fadaïro, Eliane Aïsso, Gérard Quenum, Romuald Hazoumè, Kiffouli Dossou, Sènami Donoumassou, Emo de Medeiros, King Houndékpinkou, Dominique Zinkpè, Laeïla Adjovi, Georges Adéagbo, Euloge Ahanhanzo-Glèlè, Meschac Gaba, Nathanaël Vodouhè, Cyprien Tokoudagba, Edwige Akplogan, etc. Ils ont été sélectionnés sur la base de leur côte et surtout dans le but de réunir une diversité de talents. Ces artistes travaillent, manipulent et transforment la toile, le tissu, le bois, le fer, la terre, la vidéo, le cuivre, la pierre, le papier, le plastique… Ils font faire vivre au public leurs manières, selon leurs sens et leurs sensibilités, selon leurs perspectives.

Quelques-uns d’entre ces créateurs d’œuvres de l’esprit tels que      Georges Adéogbo, Eliane Aïsso, Rémy Samuz, Dominique Zinkpè ou encore Romuald Hazoumè sont souvent présents dans de grands musées occidentaux pour des expositions et des partages d’expériences. D’autres sont déjà repérés ou commencent à se faire connaître, et ont besoin de soutien et d’accompagnement.

Le 2^e acte de la restauration de l’art béninois

Le Ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts, Jean-Michel Abimbola a lors d’une rencontre avec la presse nationale et internationale à la veille de ce grand évènement artistique et culturel, précisé que le gouvernement entend structurer le marché béninois de l’art et faire de ce secteur un pilier de développement. C’est la raison pour laquelle plus de 700 milliards de francs CFA sont mobilisés pour les investissements culturels et artistiques. Selon lui, cette exposition marque le 2^e acte de la restauration de l’art béninois, mais aussi un ensemble de réformes et d’actions qui permettent d’améliorer le cadre juridique et d’assurer la formation des acteurs. Précisons que les autorités béninoises ont convié des personnalités à ce vernissage. Parmi elles, on retrouve Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture de la France et Emmanuel Kasarhérou, président du musée de Quai Branly Jacques Chirac.

Une exposition qui passionne

L’exposition  va permettre à tous les béninois de voir ces précieux biens culturels ramenés de l’hexagone. C’est l’occasion rêvée pour beaucoup de toucher du doigt la réalité. Modeste Sossou, étudiant à l’Université d’Abomey-Calavi brûle d’impatience d’aller voir ces œuvres d’art. « C’est déjà une très bonne idée la restitution de nos biens qui ont été enlevés par le colon. Maintenant l’idée de l’exposition pour l’accès à toute la population est une bonne chose. Nous sommes tellement impatients », a-t-il déclaré. Selon Arnold Adjovi, cette restitution va permettre surtout à la jeune génération de « voir de visu ces biens culturels qu’on a peut-être découvert à travers les lignes des histoires contées ». Victor Gnanvi pense que c’est une occasion de se ressourcer. « Nous enfants d’aujourd’hui, il faut qu’on sache ce que nos rois ont laissé. C’est une grande occasion de découverte », laisse-t-il entendre.

Par contre, Samuel Sessou, un agent immobilier rencontré dans un quartier populaire de la capitale économique du Bénin, n’est pas intéressé par ce vernissage encore moins l’exposition qui va durer 3 mois. « Moi je n’ai pas besoin de ça. Ma famille a faim à la maison. Quelle sera ta solution quand peut-être tu vas faire rang? Tu vas regarder les œuvres pour te distraire. Ça ne va pas payer les dettes qu’on doit », a-t-il confié à l’équipe de Africa World Radio.

Selon des informations de sources proches du point focal communication du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts, une 2^e vague de restitution d’œuvres culturelles du Bénin telles que le dieu Gou ou Ogou, s’annonce et les négociations seraient en cours.