Entretien / Annick Nonohou – sur le respect des droits des usagers des hôpitaux
Réalisation : Martial Olou
Annick Nonohou Agani Yaï est une sage-femme d’Etat, juriste publiciste béninoise, actuelle présidente fondatrice du réseau des soignants amis des patients (R-sap), et vice-présidente de l’amicale des anciens bénéficiaires des bourses japonaises. Nous l’avons interrogé sur l’importance du respect des droits et obligations des usagers des hôpitaux.
Africa World Radio : Chaque année, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale du malade, votre réseau organise des séances de sensibilisation à l’intention des usagers des hôpitaux sur leurs droits et devoirs. Quelle importance que revêt cette action ?
Annick Nonohou : Quand on parle de journée mondiale du malade, il est normal qu’on compatisse aux douleurs des malades, qu’on les soutienne. Nous constatons que de nos jours, les professionnels de la santé ne sont pas toujours informés sur le contenu des droits des usagers, des patients et leurs obligations. En tant que réseau des soignants amis des patients (R-sap), nous saisissons souvent l’opportunité de cette journée pour parler des droits et obligations des usagers. Parce que nous savons que l’usager est le premier acteur de la rénovation du système de santé.
AWR: A quand remonte le démarrage de ces sensibilisations à l’endroit des patients en particulier et des usagers des hôpitaux ?
Nous avons démarré ces sensibilisations à l’endroit des patients et des usagers des hôpitaux depuis la création de notre réseau. Nous mijotions déjà depuis des années, les actions à mener pour que les patients soient à l’aise et qu’il y ait la paix à l’hôpital. Nous avons démarré par le club ‘’ des soignants amis des patients’’. Ce n’est que le 30 nombre 2013, que nous avons fondé le réseau des soignants amis des patients (R-sap). Depuis ce temps, nous saisissons l’opportunité des différentes journées pour faire des campagnes de sensibilisation en vue de susciter le changement de comportement, tant au niveau des usagers qu’au niveau des professionnels de la santé.
« Ça prévient les risques médicaux légaux »
AWR: Pensez-vous qu’aujourd’hui, quelque chose a changé ?
Oui quelque chose a changé. Mais ça ne change pas à la vitesse désirée. Entre temps, on ne parlait pas du tout des droits des patients dans les hôpitaux. Mais pendant les 5 dernières années et avec la vulgarisation que nous avons faite des droits fondamentaux et des devoirs, ceux qui ont été sensibilisés ont un peu maîtrisé les droits et devoirs des patients. Quand on parle d’usagers, il y a des droits qui sont encore plus spécifiques, à savoir les droits individuels et collectifs. Ce sont ces droits qui amènent le professionnel de santé à changer positivement son comportement. Si nous prenons les droits des usagers par exemple, ce qui touche le plus à ce niveau en dehors des 10 droits fondamentaux qui sont connus, nous insistons surtout sur les droits et libertés individuelles des patients et usagers. L’usager a le droit d’être informé sur l’état de santé de son patient. Il ne devrait pas rester au dehors, mais en salle de prise en charge y compris en salle d’accouchement et au bloc opératoire pour participer, collaborer, apporter son soutien psychologique au patient ou la patiente. Mieux aider le professionnel de santé de sorte que, quand un problème se pose, on comprend aisément que le professionnel de santé a joué son rôle. L’intérêt, c’est que ça prévient les problèmes ou les risques médicaux légaux. Quand le parent ou l’usager est là, voit comment vous vous défendez pour soigner son parent, même s’il arrive que la personne décède, ce qu’on ne souhaite pas, il comprend que vous avez joué votre rôle. Il comprend que vous avez appliqué les normes.
Quand on les écarte, le professionnel de santé fait du patient ce qu’il veut. Evidemment, tout professionnel de santé n’est pas conscient de cela. Donc la présence de l’usager, l’exercice du droit des usagers fait que le professionnel de santé se ressaisit et donne des soins de qualité, cela a été démontré scientifiquement.
AWR: Qu’est-ce que le réseau envisage dans le futur ?
Le réseau pense aller très loin parce que tant que nous ne nous battons pas pour que tout ceci soit institutionnalisé, c’est comme si nous jetons des goûtes d’eau à la mer. Les 5 dernières années, nous avons travaillé à la base, dans la communauté, dans les hôpitaux. Nous avons formé des professionnels de santé. Nos prochains combats, c’est d’agir sur les autorités sanitaires, c’est d’agir sur le législateur, c’est de mener des démarches sur le plan législatif. Si le législateur ne vote pas des lois spécifiques, on ne met pas dans les différents articles qu’on doit respecter les droits des usagers, ou qu’on doit mettre en place la commission de relation des usagers dans les hôpitaux, on n’y parviendra jamais. Depuis plus de 50 ans, les autres en parlent, mais ici, nous avons commencé récemment.
Au niveau des autorités sanitaires, il faut que cela se retrouve dans les politiques, normes et standards. Et quand on parle de guide de normes et pratiques, on doit mettre les droits spécifiques, individuels et collectifs des usagers. Le droit à la santé permet aux usagers des services de santé de participer activement aux débats dans les instances de décisions du système de santé. On devrait par exemple, avoir de représentants d’usagers au niveau des réunions de CODIR, au niveau du conseil d’administration, au niveau des grandes réunions décisionnelles du ministère de la santé etc. Cela ne se fait pas encore au Bénin et il faudrait qu’on y arrive pour que concrètement il y ait l’exercice du droit. Nous en parlons mais dans la pratique, il y a un écart.